Écrit avec Charles Pennequin
Éditions MaelstrÖm / Belgique

Comme un des mortels

Extrait :

Il veut partir. Quand est-il ? Il a des envies d’éloignement. Il voudrait regarder sa vie de plus loin, avec des jumelles, grossir le trait. Quand est-il ? Ailleurs, il sent qu’il peut. Sans repère, il sait. C’est d’avoir le nez dessus qui l’empêche. Le nez collé à sa vie. Écrasé sur. Il doit s’écarter. Quand est-il ? Il fait des tout petits pas de trouillard. Ce n’est pas comme ça qu’on s’en va. Ce n’est pas comme ça qu’on fait le lointain. Celui qui veut partir ne s’y prend pas à petits pas. On ne voit même pas la distance parcourue. Il faut faire un bond. Quand est-il ? Le bond ne doit pas forcément être en avant. Toutes les directions marchent. Il se dit qu’il va y aller. Il va y aller. Le nez collé ça ne peut plus durer. Il cherche le recul. Quand est-il ? Il choisit un loin très loin. Un loin loin loin loin loin. Il a une belle vision à présent. Une vision enchanteresse sur lui-même. Dégagée de toute part. Une vision du ridicule, l’importance du ridicule. Et c’est exactement ce qu’il voulait voir.

Il voulait sentir comment cette vision qu’il a de lui-même peut faire ridicule. Il voit ça, comme s’il en était détaché. Il voit ce tas tout ridicule de lui-même au loin, car il s’est vraiment éloigné. De loin en loin il peut voir ça enfin, à quel point ce tas de ridicule lui donne une bonne vision de lui-même, au final. Car il a réussi son coup. Il a réussi son forfait avec lui-même, au final. Il a su se détacher à tel point qu’il a cette vision. La vision finale de sa personne. Sa petite personne qui passe devant lui-même. Sa petite personne si imbriquée à elle, qu’elle ne se voyait pas. Il a fallu s’en éloigner. Il a fallu en arriver là avec lui, pour qu’il s’aperçoive enfin. Il a vraiment fallu divorcer avec ce type qui se présente ainsi, dans cette boîte, au vu et au su de tous. Et au vu même de soi.